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Lectures et autres passions...

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10 novembre 2019

It must be heaven - Elia Suleiman

Réalisateur: Elia Suleiman
Acteurs: Elia Suleiman, Tarik Kopty, Kareem Ghneim plus
Genres: Comédie, Drame
Résultat de recherche d'images pour "it must be heaven synopsis"

Mon avis: Un film burlesque où le réalisateur Palestinien voyage à travers le Monde (Paris, New York) et y retrouve la Palestine. On pense tout de suiteà Jacques Tati et aux acteurs burlesques dans cette comédie où l'acteur-réalisateur est muet, ne s'exprimant que pas mimiques. Un très bon film!

 

 

critique Libération:

«It Must Be Heaven», patrie prenante

Par Marcos Uzal — 24 mai 2019

Burlesque. Avec acuité et humour, Elia Suleiman se raconte en cinéaste palestinien cherchant sa place dans le monde face au regard des autres.

Ne prononçant qu’une phrase durant le film, plus keatonien que jamais, Elia Suleiman contemple le monde en perpétuel étranger. Photo Rectangle productions

Enfin des nouvelles d’Elia Suleiman, qui n’avait pas réalisé de long métrage depuis exactement dix ans (le Temps qui reste), et elles sont plus qu’excellentes : It Must Be Heaven est formidable. Comme le dit Gael García Bernal dans une scène du film, en le présentant à une productrice new-yorkaise, Suleiman «est un réalisateur palestinien mais ses films sont drôles». Tout est bien sûr dans le «mais» : être à la fois cinéaste et palestinien et très drôle relève a priori de l’incongruité géopolitique et cinématographique.

Cette singularité est la matière même de ses films, et du dernier plus que de tout autre. Avec son visage à la Buster Keaton, il y joue une fois encore son propre rôle - un cinéaste de Nazareth qui passe le plus clair de son temps à observer ses semblables, puis qui part en voyage à Paris et New York pour tenter de financer son prochain film et parler de son travail devant des assemblées d’étudiants ou d’exilés du Moyen-Orient.

A l’étranger, on attend seulement d’un Palestinien qu’il soit palestinien, c’est-à-dire avant tout le représentant de toutes les luttes et de tous les malheurs de son peuple. Plutôt que de fuir cette fatalité, Suleiman s’amuse à retourner le problème : et si plutôt que d’être l’exception, il n’était pas au contraire la règle ? En d’autres termes : et si nous, Parisiens ou New-Yorkais, n’étions pas tous un peu palestiniens sans le savoir ?

A Paris, un producteur français (Vincent Maraval, dans son propre rôle) lui dit qu’il aimerait bien produire son film, pour raisons politiques plus que mercantiles, mais que le problème de son scénario est justement de n’être «pas assez palestinien», en ajoutant que «ça pourrait tout aussi bien se passer ici». Suleiman ne donne pas tort à cette dernière remarque mais il en inverse le sens : ça pourrait se passer ici parce que Paris, c’est encore la Palestine. Le cinéaste le dit explicitement dans le dossier de presse : «Si dans mes précédents films, la Palestine pouvait s’apparenter à un microcosme du monde, mon nouveau film tente de présenter le monde comme un microcosme de la Palestine.»

Echos. L’idée est géniale, et c’est là qu’être à la fois palestinien et drôle n’a absolument rien d’une contradiction. L’humour de Suleiman, proche du burlesque d’observation de Jacques Tati ou Otar Iosseliani, consiste à prélever de la réalité des détails significatifs et à les pousser jusqu’au ridicule ou l’absurde. Quand le procédé est réussi, comme ici, son artificialité ne fait que révéler celle du monde. La précision du burlesque, y compris lorsque les gags semblent énormes, est alors une forme suprême d’acuité. A Nazareth, toutes les questions politiques sont traitées de biais, à travers une savante utilisation du cadre - des gestes, des petites tensions, des microconflits, toujours plus ou moins liés à des histoires d’espaces à délimiter, à contrôler, à traverser, à franchir, à forcer. On en retrouvera de constants échos à Paris et à New York, en tant que prolongements de la Palestine qui s’ignorent. La capitale française y est montrée comme une ville que la surveillance, la sécurité, l’hygiénisme ont fini par faire ressembler à une sorte de grand aéroport aseptisé, même dans ses manifestations de bienveillance (on sert un plateau-repas à un SDF comme s’il était dans un avion, en lui demandant s’il préfère du poulet ou du bœuf, du tiramisu ou de la panna cotta…), et dont les rues sont surtout dédiées aux défilés en tout genre : de mode, de flics, d’engins militaires. Suprême ironie : on ne verra pas d’arme à feu dans la partie palestinienne, alors qu’elles sont omniprésentes à Paris et à New York.

Yeux bandés. Au milieu de tout ça, Suleiman, qui ne prononce qu’une phrase pendant tout le film, se présente d’abord comme un regard, jouant presque uniquement avec les yeux, leurs expressions et directions. Cette performance d’acteur, où il se révèle plus keatonien que jamais, est une façon d’affirmer sa place de cinéaste et de Palestinien : d’abord un regard contemplant le monde en perpétuel étranger, avant de le recomposer dans une forme d’une précision musicale, comme le sont ces gestes. Et ça n’est pas un hasard si la seule vraie image de répression montrée dans la partie palestinienne est un regard entravé : une femme aux yeux bandés dans une voiture conduite par deux soldats israéliens s’échangeant leurs lunettes de soleil.

Même si c’est ce que le film tente de nous faire sentir avec une désopilante insolence, il serait douteux de conclure que nous sommes tous palestiniens. Il y a au moins une différence entre eux et nous, magnifiquement exprimée par un hôte new-yorkais de Suleiman : «Tout le monde boit pour oublier, les Palestiniens sont les seuls à boire pour se souvenir.»

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10 novembre 2019

J'accuse Roman Polanski

J'accuse 

réalisateur: Roman Polanski

J'accuse affiche

acteurs:

Jean Dujardin , Louis Garrel , Emmanuelle Seigner

mon avis: unfilm qui résume bien l'affaire Dreyfus,  du nom de cet officier juif accusé à tort et réhabilité grâce aux actions conjuguées du colonel Picquart et de l'écrivain Emile zola avec cette fameuse lettre ouverte "J'accuse";

critique du film sur "Ecran large":

J’accuse : critique d'une injustice

Au coeur d'une polémique, Roman Polanski n'a pas présenté lui-même son nouveau film J’accuse porté par Jean Dujardin sur le Lido de Venise. Malgré tout, après son dernier film, le très raté D'après une histoire vraie humilié à Cannes en 2017, le cinéaste franco-polonais retrouve-t-il sa maestria d'antan avec J’accuse ?

Photo Jean Dujardin, Louis Garrel

D'APRÈS UNE HISTOIRE VRAIE

Même à qui n'a suivi que légèrement ses cours d'histoire plus jeune, Alfred Dreyfus est un nom qui évoque quelque chose. L'affaire qui lui colle à la peau est considérée comme l'une des plus grandes erreurs judiciaires de l'Histoire française (voire complot). Cependant, c'est sans doute la lettre ouverte d'Emile Zola publiée dans le journal L'Aurore - et au titre cinglant : J'accuse... ! - à propos de cette injustice qui est restée dans les mémoires. Pas étonnant donc que le nouveau long-métrage de Roman Polanski en reprenne l'intitulé dans son titre : J’accuse.

Pour autant, s'il est basé sur ce fait réel et adapté du bouquin D. du Britannique Robert Harris (co-scénariste du film), J’accuse s'attarde peu sur l'article dénonciateur du célèbre écrivain. Au contraire, le film se concentre essentiellement sur la quête de vérité du colonel Picquart, ancien professeur de Dreyfus devenu lieutenant-colonel et chef du service de renseignement militaire, lorsqu'il découvre qu'Alfred Dreyfus a été condamné à tort. De quoi lancer un récit aux multiples ressorts et manipulations.

 

photoJ'accuse... ! de Zola comme une évidence

LE BAL DES MENTEURS

Le cinéaste franco-polonais n'a plus tout le talent qu'il détenait dans les années 60-70 lors de la sortie de ses chefs-d'oeuvre de Rosemary's Baby au Locataire, mais il n'en garde pas moins une vraie intelligence de la narration.

Ainsi, l'ouverture de J’accuse impressionne par son cadre imposant et oppressant. L'instauration de l'intrigue - qui se met en place avec la dégradation militaire d'Alfred Dreyfus (incarné par un Louis Garrel austère) - est remarquable, extrêmement méticuleuse et procure une force immédiate au récit.

Loin de faire de son film une simple reconstitution historique, Polanski le transforme rapidement en thriller d'espionnage où Picquart joue au Sherlock Holmes. Une idée judicieuse qui redonne un véritable intérêt aux enjeux politiques, judiciaires et militaires derrière l'Affaire tout en lui conférant une avancée ludique et divertissante tout autant qu'instructive. Le film se veut alors une quête de vérité, de dignité et de justice au coeur d'un système perverti et manipulé par le mensonge et les préjugés, dans une première heure robuste.

 

photoUne séquence d'ouverture marquante

Malheureusement, si les intentions de J’accuse sont louables et les choix narratifs propices à un enfièvrement progressif, le film ne décolle jamais vraiment. Jean Dujardin a beau livrer une prestation remarquable dans la peau du Colonel Picquart, les multiples trouvailles de cet homme d'honneur prêt à beaucoup de sacrifices pour prouver l'innocence de Dreyfus, se suivent, se ressemblent et finissent par tourner en rond.

L'enquête bat son plein et pourtant, J’accuse s'enlise dans un rythme neurasthénique voire totalement apathique, le récit donnant corps uniquement aux enjeux politiques et rarement à ceux humains. Nul doute que J’accuse aurait d'ailleurs pu devenir un grand film sur les défauts de la Justice tant il est le plus maitrisé et solide du réalisateur depuis The Ghost Writer en 2010, et ce malgré quelques incrustations numériques inabouties.

 

Photo Jean DujardinJean Dujardin impeccable

 RÉPULSANT

Pour cela, il aurait cependant fallu que Polanski veuille vraiment parler de l'affaire Dreyfus dans son film. Au visionnage, difficile en effet de ne pas voir Polanski mettre en parallèle sa propre histoire avec celle du militaire français. Dans le dossier de presse du film, le cinéaste l'a d'ailleurs avoué pleinement : "Je connais bon nombre de mécanismes de persécution qui sont à l'oeuvre dans ce film et cela m'a évidemment inspiré".

Là est pourtant une immense erreur du réalisateur de penser pouvoir se comparer à la persécution dont a été victime Alfred Dreyfus. À leur grande différence, ce dernier a toujours été pleinement innocent au contraire du metteur en scène qui s'est lui même reconnu coupable de viol sur mineur, en avouant lors de son procès en 1977 avoir eu des relations sexuelles avec une jeune fille de 13 ans.

Une comparaison dérangeante de la part du cinéaste de 86 ans donc qui est sans doute la raison principale de la puissance dégressive de J’accuse. À défaut de narrer jusqu'au bout avec passion l'histoire de son personnage, le cinéaste a voulu y greffer la sienne empêchant à l'ensemble de se dévoiler pleinement et d'impliquer le spectateur émotionnellement. Dommage.

 

Photo Jean Dujardin

9 avril 2019

Lorenzaccio - Pietragalla

Le retour de Marie-Claude Pietragalla dans un spectacle surprenant mi-théâtre mi-danse avec son compagnon Julien Derouault qui incarne le personnage central de cette pièce d'Alfred de Musset.

L’image contient peut-être : 1 personne, sur scène et texte

 

Mon avis:

Surprenant ce spectacle où se mêle le théâtre et la danse et qui en a déconcerté plus d'un. 

 

Critique:

Lorenzaccio d’Alfred de Musset,

mise en scène de Marie-Claude Pietragalla, Daniel Mesguich et Julien Derouault

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Dans   Florence à la Renaissance…  un mauvais lieu, le jeune Lorenzo, poète, curieux des sciences, rêvant de République, se fait bouffon tapageur auprès de son cousin le Duc.

Faux pleutre, amuseur public, méprisé sous le surnom de Lorenzaccio, il donne à chacun ce qu’il attend. Il s’encanaille, faisant éclater le vide des valeurs d’ “honneur“, de vengeance, flacon ignoble, dit-il, renfermant une liqueur précieuse…

Autour de lui, il n’y a guère que les femmes pour accorder une importance à l’amour, au sentiment vrai et sincère. Mais la corruption est trop efficace… Alfred de Musset l’a bien compris: on ne peut pas jouer au méchant sans se salir les mains, ni se salir les mains, sans toucher au fond de son âme.

Lorenzo osera ce à quoi prétendaient les Républicains, avec, à leur tête, les Strozzi : tuer le tyran. En l’attirant dans un piège, il prend le risque de mettre en jeu la vie de sa propre sœur, pure jeune fille, et de désespérer leur mère. Et tout cela pour rien : dans une vision romantique, aristocratique, Alfred de Musset n’attend rien d’un peuple réclamant aussitôt un nouveau tyran, qu’inertie et lâcheté.

On suit l’affaire de bout en bout : cette mise en scène nous livre la fable du drame avec une parfaite clarté. Les danseurs-acteurs et les acteurs-danseurs tiennent le pari d’une gestuelle forte, et d’une bonne diction. Virtuoses, ils servent le texte sur tous les tons : le grotesque, le tragique, le sentimental aussi, et avec une véritable générosité. Mention spéciale à  Julien Derouault dans le rôle-titre, danseur parfait, comédien sans peur et sans reproche, avec ce qu’il faut de malice, de sincérité, et d’énergie sans faille. Chapeau!

Mais le texte ne sert pas aussi bien Marie-Claude Pietragalla, dans le rôle de la marquise Cibo, tiraillée entre l’orgueil, la crainte et la tentation décevante de l’adultère. Splendide danseuse-inutile de le redire-malgré un costume peu convaincant, jupon de tulle blanc et frac noir.

L’emballage de ce Lorenzaccio? Plus discutable : l’orgie initiale, sur fond de lumières rouges avec accessoires empruntés aux cabarets sado-maso de Pigalle, masques et lanières, même bien dansée, reste conventionnelle.  Le travail de vidéo et de lumières de Gaël Perrin fait souvent pléonasme avec les scènes jouées et dansées, sans éclairer la situation ni le lieu : nuit , jour, palais, rue ?

Quelques belles trouvailles: silhouettes aux fenêtres, candélabres dans les niches de la façade, ne compensent pas lourdeurs et répétition des effets. D’autant que la vidéo “bave“ parfois ! Même critique pour la musique trop présente, piège facile à émotions.

Ce Lorenzaccio a pour ambition d’être un grand spectacle. Il aurait pu l’être avec, au départ, une vraie réflexion dramaturgique sur la lumière et la musique. Mais la chorégraphie des intermèdes purement dansés reste assez pauvre, et on pouvait espérer mieux. Et ce mieux, on l’a quand même sur un point : cette ébauche d’un «théâtre du corps » fonctionne. Les corps reçoivent les mots et les transforment, sans artifice et avec de vraies trouvailles poétiques (le fantôme de Louise Strozzi sur le dos de son père…). C’est en effet une bonne piste, beaucoup plus intéressante, avec la présence à part égale, d’un texte fort et d’un ballet narratif :  le pari de Marie-Claude Pietragalla et de Julien Derouault, avec Daniel Mesguich est réussi. Mais dommage, on en reste à une esthétique de mauvaise comédie musicale…

27 mars 2019

Arthur H - Amour chien fou

Arthur H nous revient avec un superbe double album et une tournée qui remplit les salles. Hier il était à Lens salle du Colisée où il nous a encore une fois charmé avec ses chansons envoutantes. Sans oublier l'hommage à Jacques Higelin. Encore un grand moment partagé avec cet immense artiste.

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Quelques photos du concert

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Les vidéos du nouvel album:

Assassine de la nuit

Arthur H - La Boxeuse Amoureuse (Clip Officiel)

Arthur H - Assassine de la nuit (Clip Officiel)

 

Critique de Télérama:

Le chanteur poursuit sa route de poète avec ce double album éclectique et enchanteur.

De La Boxeuse amoureuse, lancé par le splendide clip au combat chorégraphié entre Roschdy Zem et Marie-Agnès Gillot, jusqu’à Amour chien fou, ultime hommage à la femme, Arthur H réalise avec son nouveau double album un bel exercice d’équilibriste. Deux volets qui s’écoutent tour à tour sans se ressembler. Sur le premier, la musique paraît en embuscade, subtilement jazz dans Reine de cœur, discrète et presque timide dans les chansons qui racontent une histoire, pour ne pas brusquer les paroles. Inversion, avec sa mélopée au rythme tenace, jouit d’une orchestration tout en pointillé comme si les paroles devaient s’aventurer sur un pont suspendu. Et dans Le Passage, la voix conteuse navigue en douceur sur les ondes. Mais les chansons passent la vitesse supérieure dans le second CD, beaucoup plus rythmé. Assassine de la nuit, Tokyo Kiss, et surtout Brigade légère, petite sarabande enjouée et hymne à la famille (nombreuse et illustre) du chanteur, donnent le tempo pour agiter un peu les corps. Poèmes d’amour, fables ou historiettes, petits clins d’œil dans Il/Elle« elle est beau, il est belle » pour être soi-même : Arthur H raconte, chuchote, évoque, va piocher dans les aigus et s’amuse à faire patienter le refrain attendu comme dans Nosferatu, « ami mortel, amour cruel ».

Un joli pied de nez au label Polydor, qui l’a mis dehors. Claude Nougaro, qui avait connu la même mésaventure, a dû lui téléphoner quelques bulles de jazz : quand on désigne la porte à un poète, il va baguenauder, avec une guitare et un piano, où bon lui semble.

Gilles Heuré

Critique de Libération:

Arthur H Extase flamboyante

Le chanteur livre un double album, son dixième, en forme de sortilèges d’amours.

Une âme fantasque et bouillonnante, qui jette des sortilèges à la conquête de nos oreilles. Arthur H envisage la création musicale avec un appétit gargantuesque et préfère l’addition à la soustraction. Chez lui, une générosité casse-cou, des envies inflammables et des idées mutantes. Amour chien fou, son dixième album, a ainsi la particularité d’être double. Si la première partie donne à entendre des ballades spatio-temporelles, la seconde vous attrape par les hanches avec ses extases débridées et flamboyantes. Donc Arthur H, audacieux, cosmopolite et versatile.

L’indomptable songwriter s’est nourri de voyages à Bali, au Mexique et d’une escale à Tokyo pour ouvrir en grand les fenêtres de son cortex. Ce kaléidoscope, dessiné avec sa compagne Léonore Mercier - épatante plasticienne sonore - et le fidèle Nicolas Repac, confond l’énergétique et la tension, l’immensité et l’intime, la chair et le spirituel, le classique et le moderne. Arthur H abandonne d’emblée l’auditeur sur le carreau avec une splendide Boxeuse amoureuse : piano mélancolique, beatbox mystique, surprenante élasticité d’un chant quasi-religieux. Beaucoup d’amours ici. Amour suprême à l’égard de celle qui partage sa vie (Reine de cœur), amour familial (Brigade légère et sa transe acoustique), amour des disparus (Sous les étoiles à Montréal, dédiée à la chanteuse Lhasa), amour de personnages à qui il offre de nouvelles aventures (General of Love, la Dame du lac).

Ce pourfendeur de l’immobilisme fait télescoper une basse à la Doors et une mélodie éthiopienne (Tokyo Kiss), imprime une pulsation souterraine (Assassine de la nuit), se cale uniquement sur des samples (Moonlove fantaisie), impulse une nervosité à la fois hypnotique et endiablée (Carnaval chaotique). Conclusion épique avec Amour chien fou, chanson de neuf minutes qui adopte la forme d’un triptyque et dans laquelle se succède le groove, le psychédélisme et le symphonique. Arthur H, en cavale. Et sans jamais perdre le souffle. Sublime sorcier.

18 février 2019

Mektoub my love - Abdellatif Kechiche

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Pendant l’été 1994, Amin (Shaïn Boumedine), qui vivote en écrivant des scénarios, retourne à Sète, où il a passé sa jeunesse et où ses parents tiennent un restaurant tunisien. Il y retrouve ses amis d’autrefois et la plage où bronzent de jolies vacancières. Il photographie les couchers de soleil, tombe amoureux, rencontre un producteur qui se dit prêt à financer ses débuts et la femme de ce dernier, qui s'intéresse beaucoup à lui, ce qui place Amin dans une situation inconfortable. 

Chronique d’un été brûlant et sensuel...

L'avis des journalistes du "Masque et la plume"

Michel Ciment : "j'ai été exaspéré par l'hubris que ça représente"

Ce film confirme qu'Abdellatif Kechiche est merveilleux pour filmer le langage parlé et les corps. Le problème est qu'il a un orgueil démesuré : il croit qu'il peut intéresser pendant trois heures avec des scènes interminables

Libération a très bien dit que c'était un film avant tout sur le cul des femmes et même sur le cul en général, qui moi m'a véritablement gêné. Il y a les pages société dans les journaux, et les pages culturelles. Dans les pages société on a depuis cinq mois des revendications féminines certainement souvent très justifiées sur le regard masculin, et là dans les pages culturelles, ça ne gêne absolument plus qu'une caméra filme des fesses en permanence ! 

Abdellatif Kechiche se défend en disant "en peinture, il y a des vénus callipyges" - oui mais un tableau on le regarde dix minutes, pas trois heures...

Michel Ciment : "j'ai été exaspéré par l'hubris que ça représente"

Jean-Marc Lalanne : "l'un des plus grands films de l'année"

Je trouve que le film est bouleversant et beaucoup plus construit narrativement qu'on ne le dit. Même si le récit est distendu par ces scènes très longues, il y a quelque chose de presque Rohmerrien dans cette sorte de conte moral et de trajet amoureux très construit. 

Sur l'ivresse de cinéma que vise Kechiche, j'ai envie que ça ne s'arrête jamais et je suis récompensé parce qu'effectivement ça s'arrête mais ça prend beaucoup de temps pour arrêter... et il y a un sentiment de plénitude, de la lumière, des corps ; on a envie de vivre dans ce film... 

Nicolas Schapper : "La manière dont il filme le cul des femmes est ahurissant"

C'est le premier film de Kechiche où il est débarrassé à la fois de surmoi social et de son propre surmoi : il assume beaucoup de ses propres penchants voyeurs. La manière dont il filme le cul de femmes est ahurissant

Je trouve cet hédonisme-là très beau, parce qu'en parallèle, il y a un regard de moraliste, aussi. 

Xavier Leherpeur : "C'est un immense cinéaste et un immense film"

Comme Jean-Marc, c'est un film qui m'a embarqué pendant trois heures ; je n 'avais pas envie de quitter cet endroit qui était plein de soleil, gorgé de mélancolie et de sexualité débridée, assumée, gourmande... 

À la fois les femmes ne prennent pas Amin (le personnage principal) comme un prédateur, alors que tout autour d'elles gravitent des hommes qui ont la langue pendante (et on les comprend parce qu'elles sont absolument sublimes), et les mecs ne le prennent pas comme un rival. On a un personnage asexué qui va aller à la découverte de sa psyché et de son désir ; c'est bouleversant parce que c'est un prisme qui empêche le premier degré et qui apporte toujours une réflexion sur l'existence dans ces scènes-là, y compris la scène de boîte de nuit qui est magistrale. 

 

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17 septembre 2018

En guerre

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Vu ce soir ce film de Stéphane Brizé. La réalité toute crue lors de la fermeture d'usines. Du mépris pour les salariés, la violence des actes des patrons et la complaisance des médias qui mettent en lumière la violence des ouvriers qui predent tout. Vincent Lindon habite parfaitement le rôle d'un syndicaliste qui ira jusqu'au bout pour défendre son travail et celui de ses amis.

la critique de Télérama:

Par Cécile Mury

Certains, à gauche, appellent ça un « licenciement boursier » : une entreprise pourtant florissante se sépare d’une partie de ses effectifs pour augmenter les profits des actionnaires. Chez Perrin Industrie, une usine d’Agen, ce n’est pas une simple définition politiquement orientée, c’est une menace immédiate : la maison mère, une multinationale basée en Allemagne, s’apprête à fermer le site et à délocaliser, laissant 1 100 salariés sur le carreau. Ces derniers, qui avaient déjà consenti de gros sacrifices financiers contre la promesse de garder leur emploi, refusent de se laisser faire, encouragés par leurs délégués syndicaux. Négociations, coups de pression, grève, occupation des locaux… La guerre est déclarée, totale, éreintante, inégale.

Ne cherchez pas l’histoire de cette usine dans l’actualité. Perrin Industrie n’existe pas, elle est née de l’imagination de Stéphane Brizé et de son coscénariste, Olivier Gorce. De la pure fiction, vraiment ? Si En guerre porte parfaitement son titre, c’est parce que le film se tient sur une ligne réaliste, au cœur d’un conflit endémique. Perrin Industrie n’existe pas, mais il suffirait de remplacer ce nom par Goodyear, Continental, Whirlpool, Sanofi et tant d’autres pour se retrouver dans la forme dure et précise du documentaire.

Par bien des aspects, ce long métrage puise ses qualités dans cet autre cinéma, qui scrute le monde : il en emprunte l’énergie convulsive, l’effet d’immersion totale et bourdonnante au sein du groupe en lutte. On est dans le vif de la tension et des affrontements, on respire au rythme du désespoir qui monte, des divisions qui s’installent, de la colère qui pulse toujours plus. La source documentaire irrigue, aussi, en profondeur, la description des mécanismes modernes de la casse sociale, en décortique les enjeux avec une rare intelligence. Chacun sa logique.

Le film ne condamne pas les individus, pas même les patrons, ni ceux, parmi les salariés, qui cèdent à la violence ou au contraire cèdent tout court. Mais si Stéphane Brizé se garde d’asséner un discours simpliste et didactique, il choisit clairement son camp. A travers la justesse saisissante des répli­ques, le déséquilibre flagrant des forces en présence, la violence des échanges parle d’elle-même. Elle teinte d’ambiguïté et d’impuissance l’intervention des pouvoirs publics. Elle dépouille peu à peu les grévistes de tous les recours. Dialogues de sourds.

Les uns n’ont plus que la rage ou le renoncement, les autres maintiennent un front hermétique, inflexible. Pour les cadres dirigeants de l’entreprise, le monde ultralibéral est une fatalité, une loi naturelle, le seul écosystème possible. S’y opposer, selon eux, c’est comme vouloir empêcher la Terre de tourner : « Il n’y a pas d’un côté les salariés et de l’autre côté la direction, on est tous sur le même bateau », se défend par exemple l’un des responsables. « Si on est dans le même bateau, sachez que nous, on est dans les couchettes du bas avec les rats et la merde et vous, vous êtes dans celles du haut », lui répond vivement son interlocutrice.

Dans « les couchettes du bas », veille farouchement Laurent Amédéo, représentant syndical, rivé à la lutte. Nerveux, ramassé, à la fois pugnace et poignant, tout en détermination vibrante et en charisme rugueux, Vincent Lindon s’empare du personnage avec une vérité qui rappelle sa précédente collaboration avec Stéphane Brizé, La Loi du marché, le drame social qui lui avait valu le Prix d’interprétation à Cannes, en 2015, pour son mémorable personnage de chômeur longue durée. Le comédien est ici confronté au même dispositif : mesurer l’extraordinaire authenticité de son jeu à celle de partenaires non professionnels, tous excellents, dans des rôles proches de ce qu’ils sont à la ville (ici, une « vraie » avocate, de « vrais » syndicalistes…). La « star » et les débutants sont traités à égalité, avec la même limpidité, la même attention : entre eux, se joue comme un dialogue entre réel et fiction, entre une honnêteté scrupuleuse et une haletante dimension spectaculaire.

Ni « documenteur » ni brûlot romanesque, le film trouve son équilibre et sa puissance dans un entre-deux passionnant, dans une capacité à distinguer et à resserrer les enjeux dramatiques, à en souligner les enchaîne-­ ments et la complexité, à en incarner toute la dimension humaine. Un vrai contrepoint aux images de reportages télé dont le récit est truffé, rappel constant de la manière dont cette guerre permanente, livrée à nos portes, presque sous nos yeux, est rapportée chaque jour, par bribes, tronquées, hâtives, commodément digestes. La destinée de l’irréductible Laurent Amédéo et l’histoire incandescente et douloureuse de cette lutte collective sont plus difficiles à avaler parce qu’elles n’offrent pas d’issues faciles, de réponses rassurantes. Elles se contentent de souligner l’urgence de faire face. Une insuffisante mais nécessaire condition de survie, résumée en exergue par une citation de Bertolt Brecht : « Celui qui combat peut perdre, mais celui qui ne combat pas a déjà perdu. »

24 avril 2018

4321 Paul auster

4321, Paul Auster

Mon avis:

Du grand paul Auster pour son retour. Un personnage: 4 vies, 4 trajectoires 4 destins. A nous de choisir! Une fois encore Auster nous étonne et nous surprens avec ce roman-fleuve de plus de 1000 pages que j'ai dévoré.

Paul Auster nous parle

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sur France-Culture

Le coup de dés de Paul Auster

"4321", comme autant de chemins empruntés par Paul Auster pour raconter la (les) vie(s) d'Archie Ferguson, son nouveau héros démultiplié. Un roman construit comme un jeu de piste, où le grand écrivain américain sème et rattrape le lecteur sur plus de mille pages.

https://www.franceculture.fr

https://www.franceculture.fr/emissions/la-grande-table-1ere-partie/le-coup-de-des-de-paul-auster

sur Diacirtik:

Paul Auster : " À chaque être, plusieurs autres vies me semblaient dues " (4321)

P eut-être Paul Auster, imaginant Ferguson, s'est-il souvenu de Rimbaud : " À chaque être, plusieurs autres vies me semblaient dues ", tant ce délire pourrait être le creuset romanesque de 4321 et de son personnage central démultiplié. Ferguson est d'ailleurs moins un personnage qu'une figure, surface de projection comme mise à distance de son auteur,...

https://diacritik.com


Critique Télérama:

En grande forme, Paul Auster nous entraîne dans un jeu de piste mené par son double de fiction new-yorkais. Aussi déroutant qu’exaltant.

Au commencement, rien n’y paraît. Aucun signe de désordre dans la narration, juste une énergie frénétique qui agite devant nos yeux les marottes de Paul Auster. On est en terrain connu (New York vorace et pugnace), avec des personnages familiers (en fuite et en feu), et c’est un plaisir de retrouver l’auteur en telle santé créatrice, après sept ans d’absence. Nerveux et visuel comme Martin Scorsese, bavard et désopilant comme Woody Allen, il fait les présentations : lecteur, voici Archie Ferguson, Juif d’origine russe, dont la grand-mère riait comme si elle avait des oiseaux dans la gorge, et dont le grand-père planta les dents dans une tomate en la prenant pour une pomme, lors de son arrivée à Ellis Island. Et Ferguson, voici ton lecteur, un cœur à prendre, un cerveau à ébranler, sens-toi à l’aise, impose-lui tes incohérences et ton esprit de l’escalier, joue-toi de sa naïveté, ignore son impatience. Cette proposition de manipulation ne tombe pas dans l’oreille d’un sourd. D’autant que Ferguson, dont nous faisons la connaissance en 1947, alors qu’il est le plus jeune être sur terre, âgé d’une minute à peine, ne tarde pas à se mettre à écrire, devenu adolescent, et à se confondre avec Paul Auster, nous livrant des extraits de ses tapuscrits dont le dernier s’appelle 4321, comme celui qui est entre nos mains…

Ce n’est pas mettre la charrue avant les bœufs ni briser un suspense immense que de raconter la carrière lit­téraire qu’embrasse Ferguson, après une enfance somnambule sous l’aile d’une mère photographe et d’un père marchand d’électroménager. Car Paul Auster lui-même prend des libertés avec la chronologie, s’autorise des ­incursions dans l’avenir lointain pour revenir aux origines, sans souci de ­logique ni de fiabilité. Démiurge olympien, il donne un coup de vieux aux procédés classiques de dynamitage spatio-temporel, flash-back et autres parenthèses anticipatives. Ivre de la liberté que donne l’écriture, il voyage entre les époques comme on passe d’une pensée à une autre, trois ans en avant, cinq ans en arrière, parfois dans la même phrase, avec un aplomb décoiffant. Il relate des faits que nous prenons pour argent comptant, et quelques pages plus tard, affirme le contraire comme si de rien n’était. Un personnage meurt dans des conditions atroces, et dix ans après, il est toujours en vie, comme si sa fin tragique n’avait jamais eu lieu.

A chaque fois que Paul Auster ose cet art tout personnel du fait alternatif, le lecteur perd pied. Persuadé d’avoir mal lu, on rebrousse chemin dans l’histoire pour assurer les vérifications de rigueur. C’est ainsi que le livre double tranquillement ses mille pages, les triple, voire les quadruple, puisqu’il doit s’arpenter en tous sens, au risque d’être parfois piétiné ou survolé. Puis vient l’acceptation des courants d’air que l’écrivain crée volontairement, des aberrations parfois fastidieuses qui trouent son récit pour lui donner plus d’oxygène.

Alors l’amusement gagne le lecteur à son tour. A la fois jeu de l’oie et jeu de piste, la lecture se transforme en échange de signes, d’indices, de clins d’œil. S’installe une complicité à la Perec, autour des duperies malicieuses d’Auster, de ses subterfuges multiformes pour brouiller les pistes, comme cette manie d’entourer son héros Archie de personnes dotées de prénoms aux mêmes sonorités : Andy, Anne-Marie, Artie, Audrey, Augie, Arnie, Amy… Cette dernière s’adresse à lui en l’appelant « mon drôle de petit grain de poussière ». Un surnom qui résume bien l’entreprise de Paul Auster, dans ce livre en forme de compte à rebours, de l’infini vers l’insignifiant, de l’immensité vers le microscopique, du rayonnement vers l’extinction. Dans un même souffle, le parcours individuel de Ferguson et les mouvements collectifs de l’histoire américaine fusionnent et disparaissent, jusqu’à ne devenir qu’un point à l’horizon. Si bien que lorsque Paul Auster donne la clé de son casse-tête littéraire, page 1012, il est presque trop tard. Ferguson lui a échappé, la créature a dépassé le créateur, phénomène propre aux grandes œuvres insondables.

Critique La cause littéraire:

Gros livre 4321 ? Assurément, avec ses 1016 pages. Mais long livre ? Nullement, tant l’écriture parfaite de Paul Auster sait nous emmener au cœur de ces vies restituées de personnages attachants, hauts en couleurs, inoubliables. Une lecture fleuve, qui emporte dans ses longues phrases fluides, un peu proustiennes, dans les méandres délicieux de la saga des Ferguson, dans les rues babéliennes de New-York, dans les folies familiales. Le grand, très grand Auster est de retour, et c’est une nouvelle formidable pour la littérature !

Ferguson est fils et petit-fils de Ferguson. Sauf que, le grand-père ne s’appelait pas Ferguson, en tout cas pas à l’origine. Il s’appelait Reznikoff. C’est toute une histoire bien sûr ! Suivons un instant grand-père « Reznikoff » :

« Pendant qu’il attendait d’être interrogé par un agent du service d’immigration à Ellis Island, il engagea la conversation avec un compatriote juif russe. L’homme lui dit : Oublie ton nom de Reznikoff. Il ne t’attirera que des ennuis dans ce pays. Il te faut un nom américain pour ta nouvelle vie en Amérique, quelque chose qui sonne vraiment américain. Comme l’anglais était encore une langue étrangère pour Reznikoff en 1900, il demanda à son compatriote plus âgé et plus expérimenté de lui faire une suggestion. Dis-leur que tu t’appelles Rockfeller, lui répondit l’homme. Tout ira bien avec un nom pareil. Une heure s’écoula, puis une autre et au moment où Reznikoff alors âgé de dix-neuf ans s’assit en face de l’agent de l’immigration pour être interrogé, il avait oublié le nom que l’homme lui avait dit de donner. Votre nom ? demanda l’agent. Se frappant le front de frustration l’immigrant épuisé laissa échapper en yiddish, Ikh hob fargessen ! (J’ai oublié !) Ainsi Isaac Reznikoff commença-t-il sa nouvelle vie en Amérique sous le nom d’Ichabod Ferguson ».

Auster nous livre dans ce volume la source et quelques clés essentielles de son œuvre entière. Avec la trilogie new-yorkaise on avait appris sa fascination pour la répétition des scènes – mais une répétition particulière, qui ne se répète pas du tout, parce que la narration déplace un détail, un personnage, un moment, un lieu et c’est tout le récit qui s’en trouve changé. Point de fascinum – le détail qui change – qu’on retrouve dans la science des systèmes avec la théorie des catastrophes de René Thom et qui structure la veine littéraire de Paul Auster. C’est aussi – toujours issu des sciences – la théorie du hasard. Le petit Archie découvre ainsi, dans ses pérégrinations intérieures, à la suite d’un accident où il est tombé d’un arbre du jardin où il s’est cassé une jambe, le cœur de ce que sera l’œuvre de l’écrivain.

« Si Chuckie n’avait pas sonné à sa porte ce matin-là pour lui demander de venir jouer dehors avec lui, il n’y aurait rien eu de stupide. Si ses parents s’étaient installés dans une autre ville à l’époque où ils cherchaient la maison de leurs rêves, il n’aurait même pas connu Chuckie Brower, il n’aurait même pas su que Chuckie Brower existait et il n’y aurait rien eu de stupide parce que l’arbre qu’il avait escaladé ne se serait pas trouvé dans son jardin. Quelle idée intéressante, se dit Ferguson, de penser que les choses auraient pu se dérouler autrement pour lui, tout en restant le même. Le même garçon dans une autre maison avec un autre arbre ».

Et le roman alors ? Ce roman est le sommet de la passion de Paul Auster pour les narrations qui prennent des pistes différentes selon le grain de sable qui dérange la machine. Au chapitre 1.3, le père de Ferguson meurt, brûlé dans l’incendie criminel de son entreprise, le 3 novembre 1954. Date funeste, horreur qui dynamite la vie de Ferguson et de sa mère. Au chapitre 1.4, le père de Ferguson, l’année suivante, se porte fort bien et envisage d’acheter une nouvelle demeure. Vous avez bien lu. Et quand vous lirez le livre vous reviendrez en arrière pour savoir si vous avez bien les yeux en face des trous, si vous n’avez pas sauté quelque chose. Mais non. On commence alors à percevoir le jeu de pistes que Paul Auster nous invite à déchiffrer. Impossible d’en dire plus sans spoiler. La construction du livre est un fascinant labyrinthe narratif que l’on découvre chapitre après chapitre, happés par l’incroyable talent de l’auteur.

Un événement, une vie, un événement différent, une autre vie. Le roman peut faire 1016 pages, il y a 4 romans en 1 dans le 4321.

Paul Auster, au-delà de la vie de Ferguson/Auster, nous fait traverser des pans entiers de l’histoire américaine de la seconde moitié du XXème siècle : La Chasse aux Sorcières, la Guerre Froide, l’assassinat de Kennedy, l’impeachment de Nixon, le Vietnam bien sûr, les émeutes raciales des années soixante, entre autres. Il nous fait surtout traverser New-York City, son New-York, sa passion de la Ville-Monstre, de la Ville-Montagne, de la Ville-Melting Pot étourdissant. Mais aussi de la plus grande ville juive du monde.

« Il la connaissait depuis à peu près dix minutes au moment où ils échangèrent ces propos et pendant que Ferguson écoutait Amy faire l’éloge de New York, déclarer son amour pour New York, il se mit à penser que d’une certaine façon elle était une incarnation de sa ville, non seulement dans sa confiance en elle et sa vivacité d’esprit mais aussi et surtout dans sa voix, la voix de ces jeunes Juives intelligentes de Brooklyn, du Queens et de l’Upper West Side, la troisième génération de voix juives new-yorkaises, celle de la deuxième génération de Juifs nés aux Etats-Unis, qui avait une musique légèrement différente de la voix irlandaise de New York, par exemple, ou de la voix italienne de New York, à la fois plus enracinée, sophistiquée et impertinente, avec la même aversion pour les r durs, mais plus précise et plus accentuée dans ses nuances […] ».

Roman fleuve, roman puzzle, roman fou, roman génial. On se passionne à reconstituer le puzzle, et, quand Auster nous livre ouvertement les clés du roman dans les dernières pages, on s’amuse à voir si on avait bien lu. On vous l’a dit, le grand, le plus grand Paul Auster est de retour, accompagné d’une traduction au cordeau de Gérard Meudal. La plongée dans cette aventure de lecture est ce qu’il y a de plus enthousiasmant depuis longtemps. Alors n’attendez pas !

23 décembre 2017

La disparition de Josef Mengele - Olivier Guez

La disparition de Josef Mengele

Olivier Guez

La disparition de Josef Mengele par Guez

résumé:

1949: Josef Mengele arrive en Argentine.

Caché derrière divers pseudonymes, l’ancien médecin tortionnaire à Auschwitz croit pouvoir s’inventer une nouvelle vie à Buenos Aires. L’Argentine de Peron est bienveillante, le monde entier veut oublier les crimes nazis. Mais la traque reprend et le médecin SS doit s’enfuir au Paraguay puis au Brésil. Son errance de planque en planque, déguisé et rongé par l’angoisse, ne connaîtra plus de répit... jusqu’à sa mort mystérieuse sur une plage en 1979.

Comment le médecin SS a-t-il pu passer entre les mailles du filet, trente ans durant?

La Disparition de Josef Mengele est une plongée inouïe au coeur des ténèbres. Anciens nazis, agents du Mossad, femmes cupides et dictateurs d’opérette évoluent dans un monde corrompu par le fanatisme, la realpolitik, l’argent et l’ambition. Voici l’odyssée dantesque de Josef Mengele en Amérique du Sud. Le roman-vrai de sa cavale après-guerre.

Mon avis:

Le récit passionnant de la cavalcade du médecin nazi du camp d'Auschwitz à travers l'Amérique du sud. Ce livre se lit d'une seule traite en mettant en lumière les aides dont a pu bénéficier cet assassin avec l'argent de sa famille qui a pu continuer à faire fructifier l'entreprise familiale en Allemagne...

Un avis de lecteur:

Josef Mengele est souvent considéré comme l'un des pires criminels nazis, « le symbole de la cruauté nazie », pour le président du tribunal de Yad Vashem, le procureur général du procès d'Eichmann. Un tortionnaire de la pire espèce qui, comme Klaus Barbie et beaucoup d'autres, a bénéficié d'aides et de complicités pour se cacher en Amérique latine. A commencer par celle de l'argentin Peron, favorable aux nazis, qui rêvait pour son pays d'une destinée exceptionnelle, quand les Soviétiques et les Américains se seraient anéantis à coups de bombes atomiques.
Mengele a aussi été soutenu financièrement par sa famille, des riches industriels de Günzburg en Bavière qui ne souhaitaient pas qu'il soit arrêté parce qu'ils risquaient d'être associés à lui. Mais après une période relativement sereine, Mengele a vécu constamment sur le qui vive, dans la peur d'être pris et jugé, et probablement exécuté comme Eichmann qu'il a croisé dans son exil. Car Mengele est surtout un lâche, un sociopathe narcissique et paranoïaque dont la monstruosité s'est épanouie avec la guerre.
Mais tout ça, on le sait plus ou moins, alors pourquoi écrire encore un livre, un roman de surcroît, sur un criminel nazi ? On espère pour les bonnes raisons. Pour ne pas oublier. Pour que ça ne recommence jamais. Pour rendre hommage aux victimes de Mengele et à leurs familles parce qu'il n'y ait pas eu de procès pour leur donner la parole, " un procès nécessaire pour analyser l'Histoire et l'assumer pour le présent " comme l'a écrit le Die Ziet après le procès Barbie.

Critique de Télérama:

raignant d’être jugé, le médecin chef d’Auschwitz fuit en Amérique latine. L’enquête suit au plus près l’ex-tortionnaire qui tente de passer inaperçu.

Ce n’est pas un simple ex-capitaine de la SS qui arrive en Argentine en 1949. Celui qui se fait appeler Helmut Gregor n’est autre que Josef Mengele, criminel de guerre, médecin chef à Auschwitz. Avec sa valise contenant seringues hypodermiques, cahiers de notes et échantillons de sang, il attend le soutien des nazis qui y croient encore. Anciens des services de contre-espionnage spécialisés dans l’exfiltration, rexistes belges, quelques Français vichystes et autres condamnés à mort par contumace : la pitoyable cohorte d’un « quatrième Reich fantôme » prolifère en Amérique du Sud et entend continuer le combat contre le capitalisme américain, le bolchevisme et la « race juive ».

Josef Mengele, « l’ange de la mort », se façonne alors l’allure d’un hidalgo avec moustache et cheveux gominés. Il a fui mais entend se faire une vie nouvelle en bénéficiant des mannes financières de sa famille, dont la prospère entreprise agricole. Toujours exigeant, il ne veut fréquenter que le haut du panier, de la même façon qu’il ne se mêlait pas naguère à « la piétaille SS », préférant la compagnie des officiers et des dignitaires. Mais les choses ne s’agencent pas comme il l’espérait. L’« ingénieur de la race », celui qui choisissait ses victimes quand elles débarquaient sur la rampe à Auschwitz, qui s’adonnait à ses « recherches » sur la gémellité, torturant et assassinant dans son laboratoire, est devenu représentant ou travailleur manuel. Histoire de renouer avec la médecine et de gagner de l’argent, il se fait accessoirement avorteur.

Son nom reparaît dans les procès et sa crainte est de finir comme Eichmann, capturé en 1960 par le Mossad, ou d’être extradé vers l’Allemagne fédérale. Alors il fuit, au Paraguay, au Brésil, se préserve de connaissances trop bavardes, se recroqueville, change constamment d’identité, travaille dans des fermes, loge où il peut, à l’affût des rebondissements diplomatiques dont il pourrait faire les frais.

Dans cette formidable enquête romancée, Olivier Guez suit un homme dont les contours deviennent ceux d’une ombre sinistre qui ne renie rien, peste et rumine contre tous ceux qui s’en sont bien tirés. Et qui mourra sans avoir été jugé.

 

19 décembre 2017

Le MOMA à Paris - Fondation Vuitton

ETRE MODERNE. LE MOMA A PARIS

 

site de l'exposition:

http://www.fondationlouisvuitton.fr/expositions/exposition-moma0.html

mon avis:

Quelques-unes des plus belles oeuvres du MOMA exposées à Paris pour notre plus grand bonheur. Superbe exposition!

critiques:

Le Monde

Exposition : le MoMA, un Américain à Paris

La Fondation Vuitton accueille à partir de mercredi des œuvres iconiques, et d’autres moins connues, du musée new-yorkais.

Le Museum of Modern Art (MoMA) de New York est le sanctuaire de l’idée d’art moderne. Il le doit à son histoire, celle de collectionneuses et de collectionneurs qui se sont fait les missionnaires de cette idée. C’est aussi une histoire propre à New York, cette ville devenue elle-même, par son architecture et sa frénésie, le symbole d’un monde nouveau. Aussi se rend-on au MoMA en pèlerinage. On y avance comme dans un Sacro Monte italien, d’une chapelle à l’autre, d’une image sainte à l’autre. Adoration des patrons saint Paul Cézanne et saint Paul Gauguin, transe devant Les Demoiselles d’Avignon, prière muette devant les icônes de Matisse, Mondrian et Malevitch, transports mystiques dans lesquels précipitent Rothko et Newman, reliques de l’angélique et démoniaque Duchamp. Le MoMA, c’est le Vatican de la modernité, et ses conservateurs ont la gravité et la dignité d’un clergé.

L’expérience ne saurait être aussi complète à la Fondation Vuitton, mais elle demeure sensible, parce que l’accrochage conserve le principe d’une ascension et que le musée a envoyé nombre de ses objets les plus sacrés. Sans doute manque-t-il sa pièce la plus précieuse, ces Demoiselles qui, sans doute, ne sortiront plus de la basilique de la 53e rue – à moins que ne menace un désastre. Mais, dès l’entrée, le fidèle est face à de très grands saints à la nudité héroïque : le Baigneur, de Cézanne, statue antique, et le Jeune Garçon au cheval,de Picasso, dont certains pensent qu’il est le tableau le plus harmonieux du monde.

Le MoMA a été conçu dès ses débuts comme un musée complet à vocation didactique

Suivent des œuvres moins universellement célèbres mais non moins importantes, la Gare Montparnasse, de Giorgio De Chirico, les trois Etats d’âme,d’Umberto Boccioni, le triptyque Le Départ, de Max Beckmann. Ces peintres sont en compagnie de photographes – Lisette Model, Man Ray,..


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Les chefs-d'oeuvre du MoMA de New York à la Fondation Vuitton

 

Cindy Sherman : Untitled Film Still #21, 1978. Epreuve gélatino-argentique, 19,1 cm x 2,1. 2017 Cindy Sherman

Profitant des travaux du Moma de New York, la Fondation Vuitton, présente jusqu'au 05 mars 2018, une sélection des oeuvres importantes du Musée d'Art Moderne de New York. Cet établissement artistique mondialement connu et très aimé des français, a toujours voulu témoigner de l'évolution de la société et de l'histoire de l'art du XXe siècle. Cette exposition est l'occasion d'admirer des chefs-d'oeuvre connus de tous, elle propose aussi un bon aperçu de l'art américian, après la seconde guerre mondiale. Visite.  

A chaque fois que je pénètre dans la Fondation Vuitton, réalisée par l’architecte Franck Gehry, j’ai l’impression de rentrer dans un trois mats de luxe, pour un long voyage. Cette fois-ci, le périple artistique me mène vers les Etats-Unis. En effet, en collaboration avec le Museum of Modern Art New York, la Fondation Vuitton expose de nombreux chefs-d’œuvre du célèbre MoMA. Je vais enfin voir le Baigneur de Cézanne, des Picasso, L’oiseau de Brancusi et même la première apparition de Mickey par Walt Disney. Les organisateurs ont également voulu accrocher des artistes moins connus, mais qui participent tous à la démarche du musée, bien particulière. Elle explique le titre de cette présentation exceptionnelle : « Etre moderne : le MoMA à Paris ». La liste des artistes est impressionnante. Je ne suis pas sûr qu le grand public français, connaisse Elworth Kelly, peintre américain minimaliste mort en 2015, à l'âge de 92 ans. Toute sa vie, il s'est intéressé à l'équilbre des lignes et des couleurs. J'observe ce collage de carrés découpés, dans des feuilles de papier de couleur. Ce travail témoigne de la volonté profonde de Kelly, de réaliser un art abstrait et anonyme. L'artiste se serait inspiré du jeu de la lumière sur la Seine, quand il habitait à Paris dans l'ïle Saint Louis, où il est resté près de six ans, de 1948 à 1954.

Ellworth Kelly : Couleurs pour un grand mur, 1951. Huile sur panneaux, dimenssions totales : 240 cm x 240. 2017 The estate of Ellworth Kelly

Ellworth Kelly : Couleurs pour un grand mur, 1951. Huile sur panneaux, dimenssions totales : 240 cm x 240. 2017 The estate of Ellworth Kelly

La torpille MoMA

Depuis sa création en 1929, le MoMA a toujours voulu être novateur. Dès 1932, le musée affiche son envie de modernité en proposant la première exposition sur l’architecture (Modern Architecture : International). Deux ans plus tard, il organise une présentation consacrée au design. En 1936, le public new yorkais découvre sa grande exposition sur le cubisme et l’art abstrait. L’année suivante, le musée propose une rétrospective sur la photographie de 1839 à 1937. Il ne s’arrête pas là, en 1957, le monde découvre une immense rétrospective Picasso. En 1970, le MoMA innove encore en présentant des films, en lien avec les questions sociales (What’s Happening). En 1971, c’est la création du « département des Dessins ». Le MoMA est aussi le premier musée à établir un inventaire numérique de ses collections. Le temple américain de l’art, n’a jamais cessé d’aller de l’avant. Son premier directeur, Alfred H Barr, se montre dès le début, un ardent défenseur d’une politique pluridisciplinaire. Afred H Barr, évoque souvent l’image d’une torpille : il rêve d’un musée toujours en mouvement, qui qui déchire le ciel du quotidien et laisse une trace derrière elle. Mais dès le début, les américains reprochent au MoMa d’offrir des expositions trop européennes, trop internationales. L’ouverture d’esprit de Barr, et de ses successeurs, n’est pas comprise par tous... Aujourd'hui, les français sont les plus nombreux à visiter le Moma. Présenter les collections du musée au bois de Boulogne est donc, d'une certaine façon, un juste retour des choses.

Pop Art

Je passe le portique de sécurité, sous l’œil très attentif d’un agent de sécurité. J’ai l’impression d’être dans un aéroport. La marque de luxe ne blague pas avec la sécurité, c’est rassurant. Je me glisse dans la grande porte tournante. Je m’attends à une présentation très officielle avec beaucoup de longs discours, plus ou moins ennuyeux. Mais rien de tout cela, les quelques journalistes présents sont invités à une visite libre. La première œuvre que j’aperçois est un grand dessin de Mies van der Rohe , le célèbre architecte. Commencer l’’exposition par cela est une façon de souligner l’éclectisme, toujours revendiqué par le musée. Cette œuvre représente un bâtiment de bureau à Berlin. A côté : cette grande toile de Roy Lichtenstein, roi du Pop art. En 1963, Lichtenstein réalise plusieurs tableaux directement inspirés de la bande dessinée. Une bulle de BD devient, sous son pinceau, une grande toile. Pour acquérir ce tableau, le musée a vendu un autre Lichtenstein, en sa possession. C’est un bon exemple d’une politique voulue par Alfred H Barr : ne pas hésiter à se "débarrasser" d’une œuvre, pour en acquérir une autre. Cette femme au milieu des vagues en est une parfaite illustration.

Roy Lichtenstein : Fille qui se noie, 1963. Huile et peinture acrylique sur toile, 171,6 cm x 169,5. Estate of Roy Lichtenstein New York / ADAGP, Paris 2017

Roy Lichtenstein : Fille qui se noie, 1963. Huile et peinture acrylique sur toile, 171,6 cm x 169,5. Estate of Roy Lichtenstein New York / ADAGP, Paris 2017

Petites boîtes et grand artiste

Au fond de la salle, il est impossible de les manquer. 32 petites toiles d’Andy Warhol représentant les fameuses boites de soupe Cambell’s. L’image aurait été, à chaque fois, reproduite au pochoir. Cette soupe était présente dans chaque supermarché des Etats Unis. Ces boîtes sont la parfaite illustration de la culture du quotidien, que les sociologues appellent culture de masse. Je les regarde de près, de loin. Outre leur contenu symbolique d’une critique de la société de consommation et d’une volonté d’élever le banal au rang d' œuvre d’art, j’ai honte de le dire, mais ces travaux me laissent froid comme un vieux potage oublié dans un frigo. Là, je ne vais pas me faire des amis mais puisque c’est ce que j’ai ressenti, je le dis. Bien sûr, derrière l’apparence, il y a des différences remarquables d’une peinture à l’autre. Mais je dois bien avouer que "Cambell's Soup" a propulsé le Pop Art dans les bras des médias et que ce mouvement artistique est devenu un des plus importants de l'art américain. Mon œil est beaucoup plus attiré par un double Elvis Presley, sur fond argenté. En 1963, Warhol réalise trente toiles sur ce thème. L’œuvre est inspirée par une photo publicitaire, pour un western. C’est pourquoi le chanteur pointe une arme. L’artiste en superposant deux images, rend hommage au cinéma. On retrouve, dans ce travail, le saut d’images caractéristique d’une projection de film. Andy Warhol a offert cette toile à Bob Dylan mais le chanteur aurait donné l’œuvre à son manager, en échange d’un canapé… En 2001, elle rentre au MoMa, donnée par un collectionneur.

Andy Warhol : Double Elvis, 1963. Encre sérigraphique et peinture acrylique sur toile, 210,8 cm x 134,6. The andy Warhol Foundation for the Visual arts, Inc / Adagp, Paris 2017

Andy Warhol : Double Elvis, 1963. Encre sérigraphique et peinture acrylique sur toile, 210,8 cm x 134,6. The andy Warhol Foundation for the Visual arts, Inc / Adagp, Paris 2017

Musique et technique

Elle est là, face à moi, c’est une icône de la musique et du design du XXe siècle : la guitare de Leo Fender et de l’ingénieur Georges Fullenton, la Stratocaster 1954. Je continue ma visite, toute la fondation est consacrée à l’exposition. Le sol est gris, les murs crème. Avec une pareille scénographie, on est sûr de ne pas se tromper…

Le mystère Hopper

La première œuvre qui est rentré au Moma dès sa création en 1929, est un petit tableau d’Edward Hopper : maison près de la voie ferrée. Le peintre situe l’œil de l’observateur sous les rails, c’est très surprenant. La maison prend alors une ampleur considérable et ressemble à une sorte de monstre. Deux rideaux à demi baissés, au premier étage, renforce encore l’impression d’angoisse et de mystère.

Premier long métrage de l’histoire du cinéma et liberté en forme d’oiseau

Je prends l’escalator. A l’intérieur de la Fondation, j’ai un peu l’impression de me retrouver dans un temple égyptien. L’exposition propose le premier long métrage, daté de 1913. En pleine période de ségrégation, T. Hayes Hunter filme, en noir et blanc, la sortie d’une boîte de nuit fictive, avec beaucoup d’acteurs noirs dans son casting. Le film s’intitule « Sortie du Lime Kiln club ». Face à ses comédiens qui défilent sur l’écran, l’oiseau de Brancusi, symbole de liberté, a pris place sur un haut socle blanc. Je tourne autour. Il me semble évident que ce n’est pas un volatile qu’a voulu faire le sculpteur, mais l’idée d’un oiseau, le sentiment de liberté aussi. L’œuvre se dresse avec fierté comme une flamme, elle possède une grâce infinie.

Constantin Brancusi : Oiseau dans l'espace, 1928. Bronze, 137,2 cm x 28,6. succession Brancusi-All rights reserved (Adagp), 2017

Constantin Brancusi : Oiseau dans l'espace, 1928. Bronze, 137,2 cm x 28,6. succession Brancusi-All rights reserved (Adagp), 2017

Mickey sur un bateau

Sur un grand écran, je regarde la première apparition de Mickey, un film datant de 1928. Et Mickey bénéficie même d'une bande son synchronisée. En 1935, la première conservatrice spécialisée dans le cinéma, Iris Barry, étonne en prétendant que les films doivent être gardés dans les musées. Un an plus tard, le Mickey de Walt Disney entre au Moma. L’humour de Walt Disney n’a pas vieilli. La joie de vivre impertinente de la petite souris est immortelle.

Un beau baigneur

Ah le voilà, le fameux « Baigneur » de Cézanne. C’est un homme debout, les pieds dans l’eau, devant un paysage quasi abstrait. Il entre dans les collections du Museum of Modern Art en 1934. En le regardant, ne serait-ce qu’une seconde, on comprend tout de suite ce que Picasso doit à Cézanne. Je m’approche pour le regarder en détail. Comme toujours chez Cézanne, le corps est très architecturé. La jambe gauche est en avant. Le peintre a souligné la musculature du jeune homme. Le fond est composé d'une multitude de nuances de gris-bleu. De tout côté, c’est un tableau résolument moderne, précurseur. Oui, Cézanne est bien le père de l'art contemporain.

Paul Cézanne : Le baigneur, vers 1885. Huile sur toile, 127 cm x 96,8. The museum of Modern Art, New York. Collection Lillie P. Bliss, 1934

Paul Cézanne : Le baigneur, vers 1885. Huile sur toile, 127 cm x 96,8. The museum of Modern Art, New York. Collection Lillie P. Bliss, 1934

L’héritage de Cézanne

Je tourne la tête et j’ai la preuve de ce que j’avance. J’observe un magnifique Picasso :  Jeune garçon au cheval (1905-1906). Les points communs avec Cézanne ne se comptent plus : même arrondi du haut du visage, même jambe en avant, même sensualité du personnage, même nuances de gris, pour une partie de l’arrière-plan. C’est impressionnant. Ces deux tableaux sont des chefs d’œuvre. Pourtant, ce tableau de Picasso est en fait une étude pour une toile qui n’a jamais vu le jour : L’Abreuvoir.

Psychédélique

Cette toile de Signac est étonnante à plus d’un titre. Le personnage ressemble à un papillon, posé sur une fleur exubérante. C’est le portrait d‘un ami de l’artiste, le critique d’art et activiste politique Félix Féneon, reconnaissable à sa barbichette qui serait très tendance aujourd’hui. Il tend une fleur de Lys à une personne qu’on ne voit pas. J’ai l’impression que le personnage est en mouvement, mais il paraît immobile : curieux. Le tourbillon des motifs en arrière plan et la technique du pointillisme, renforcent un étrange effet optique, presque psychédélique avant l’heure.

Paul Signac : Sur l'émail d'un fond rythmique de mesures et d'angles, de tons et de teintes, portrait de M. Félix Fénéon en 1890, opus 217, 1890. Huile sur toile, 7",5 cm x 9é,5. The Museum of Modern art, New York. Don de M et Mme David Rockefeller, 1991.

Paul Signac : Sur l'émail d'un fond rythmique de mesures et d'angles, de tons et de teintes, portrait de M. Félix Fénéon en 1890, opus 217, 1890. Huile sur toile, 7",5 cm x 9é,5. The Museum of Modern art, New York. Don de M et Mme David Rockefeller, 1991.

L’étrange beauté de Klimt

Et ça continue. Face à moi un superbe Klimt. C’est une œuvre style art nouveau, dans lequel les personnages et les éléments décoratif colorés, se confondent avec une grande subtilité. La toile représente une femme enceinte, seins nus. En bas trois silhouettes féminines lèvent les bras en signe d’incantation. Ce tableau représente donc la vie, mais aussi la mort...

Potemkine et les Demoiselle d ‘Avignon

Je reste quelques instants à regarder un extrait du film Potemkine de Serguei Eisenstein, la célèbre scène de l’escalier, dans laquelle un bébé dans son landau dévale les marches sous le regard terrifié de sa mère. La salle suivante présente photos et dessins retraçant l’histoire des vernissages du MoMA. J’observe un cliché, pris lors de l’acquisition des  « Demoiselles d’Avignon » de Picasso, en 1939. Dans une vitrine, je regarde une cravate peinte par Picasso et offerte à Alfred H Barr.

La spiritualité de Rothko

Je passe dans une autre salle et tombe nez à nez avec un Rothko : mystérieux, spirituel, coloré. Chez ce peintre, la couleur bat comme un cœur humain et la lumière vibre comme une bougie derrière une feuille de papier calque : c’est incroyablement beau et profond.

Les néons et nous

Cette sculpture aux néons de Bruce Nauman, né en 1941, comporte six mots : Humain, Espoir, Besoin, Rêve et Désir : tout un programme… Chaque mot est d’une couleur différente. Lorsqu’il était étudiant à San Francisco, Nauman habitait dans une ancienne épicerie. Celle-ci comportait une enseigne. L’artiste la regarde souvent. En 1965, il commence à travailler avec des tubes néons. Cette œuvre a été offerte au MoMA en 1991, par un collectionneur.

Bruce Nauman : Humain, Besoin, Désir, 1983. Tubes de néons et fils éléctriques, cadres de suspension en tube de verre. Adagp, Paris 2017

Bruce Nauman : Humain, Besoin, Désir, 1983. Tubes de néons et fils éléctriques, cadres de suspension en tube de verre. Adagp, Paris 2017

Nuages photographiques

Je jette un coup d’œil à quelques photos de nuages d’Alfred Stieglitz, le promoteur de la photographie considérée comme un œuvre d’art à part entière. Ce photographe a réalisé des centaines de clichés de nuages, tous plus beaux les uns que les autres.

Peinture à la pipette

Je reste en pâmoison devant un grand tableau de Jackson Pollock. Pour cette œuvre, Pollock laisse tomber sa technique du dripping, danse autour du tableau avec une boîte de conserve trouée ou jets de couleurs. Ici, il peint à la pipette sur une toile beige non préparée. Parfois, j’ai l’impression d’apercevoir des formes figuratives. Je suis totalement séduis par ce tableau, à part, dans l’art de Pollock. il me rappelle les débuts du peintre.

Voir les chefs-d’œuvre du musée de New York, à Paris, est très rare. Ne ratez pas cette occasion. Cette exposition, oh combien éclectique, est un véritable régal pour l’esprit et les yeux. Je n’ai pas pu citer tous les artistes, il y en a tellement…
Fondation Vuitton : 8 avenue du Mahatma Ghandi, 75116 Paris

7 décembre 2017

Julien Doré - &

Résultat de recherche d'images pour "concert doré"

Un superbe cponcert de Julien Doré au Zénith de Lille. Un public en délire!

Un extrait du concert avec cette sublime chanson:

Julien Doré - De mes Sombres Archives- Zénith Lille Novembre 2017

 

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