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Lectures et autres passions...
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24 avril 2018

4321 Paul auster

4321, Paul Auster

Mon avis:

Du grand paul Auster pour son retour. Un personnage: 4 vies, 4 trajectoires 4 destins. A nous de choisir! Une fois encore Auster nous étonne et nous surprens avec ce roman-fleuve de plus de 1000 pages que j'ai dévoré.

Paul Auster nous parle

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sur France-Culture

Le coup de dés de Paul Auster

"4321", comme autant de chemins empruntés par Paul Auster pour raconter la (les) vie(s) d'Archie Ferguson, son nouveau héros démultiplié. Un roman construit comme un jeu de piste, où le grand écrivain américain sème et rattrape le lecteur sur plus de mille pages.

https://www.franceculture.fr

https://www.franceculture.fr/emissions/la-grande-table-1ere-partie/le-coup-de-des-de-paul-auster

sur Diacirtik:

Paul Auster : " À chaque être, plusieurs autres vies me semblaient dues " (4321)

P eut-être Paul Auster, imaginant Ferguson, s'est-il souvenu de Rimbaud : " À chaque être, plusieurs autres vies me semblaient dues ", tant ce délire pourrait être le creuset romanesque de 4321 et de son personnage central démultiplié. Ferguson est d'ailleurs moins un personnage qu'une figure, surface de projection comme mise à distance de son auteur,...

https://diacritik.com


Critique Télérama:

En grande forme, Paul Auster nous entraîne dans un jeu de piste mené par son double de fiction new-yorkais. Aussi déroutant qu’exaltant.

Au commencement, rien n’y paraît. Aucun signe de désordre dans la narration, juste une énergie frénétique qui agite devant nos yeux les marottes de Paul Auster. On est en terrain connu (New York vorace et pugnace), avec des personnages familiers (en fuite et en feu), et c’est un plaisir de retrouver l’auteur en telle santé créatrice, après sept ans d’absence. Nerveux et visuel comme Martin Scorsese, bavard et désopilant comme Woody Allen, il fait les présentations : lecteur, voici Archie Ferguson, Juif d’origine russe, dont la grand-mère riait comme si elle avait des oiseaux dans la gorge, et dont le grand-père planta les dents dans une tomate en la prenant pour une pomme, lors de son arrivée à Ellis Island. Et Ferguson, voici ton lecteur, un cœur à prendre, un cerveau à ébranler, sens-toi à l’aise, impose-lui tes incohérences et ton esprit de l’escalier, joue-toi de sa naïveté, ignore son impatience. Cette proposition de manipulation ne tombe pas dans l’oreille d’un sourd. D’autant que Ferguson, dont nous faisons la connaissance en 1947, alors qu’il est le plus jeune être sur terre, âgé d’une minute à peine, ne tarde pas à se mettre à écrire, devenu adolescent, et à se confondre avec Paul Auster, nous livrant des extraits de ses tapuscrits dont le dernier s’appelle 4321, comme celui qui est entre nos mains…

Ce n’est pas mettre la charrue avant les bœufs ni briser un suspense immense que de raconter la carrière lit­téraire qu’embrasse Ferguson, après une enfance somnambule sous l’aile d’une mère photographe et d’un père marchand d’électroménager. Car Paul Auster lui-même prend des libertés avec la chronologie, s’autorise des ­incursions dans l’avenir lointain pour revenir aux origines, sans souci de ­logique ni de fiabilité. Démiurge olympien, il donne un coup de vieux aux procédés classiques de dynamitage spatio-temporel, flash-back et autres parenthèses anticipatives. Ivre de la liberté que donne l’écriture, il voyage entre les époques comme on passe d’une pensée à une autre, trois ans en avant, cinq ans en arrière, parfois dans la même phrase, avec un aplomb décoiffant. Il relate des faits que nous prenons pour argent comptant, et quelques pages plus tard, affirme le contraire comme si de rien n’était. Un personnage meurt dans des conditions atroces, et dix ans après, il est toujours en vie, comme si sa fin tragique n’avait jamais eu lieu.

A chaque fois que Paul Auster ose cet art tout personnel du fait alternatif, le lecteur perd pied. Persuadé d’avoir mal lu, on rebrousse chemin dans l’histoire pour assurer les vérifications de rigueur. C’est ainsi que le livre double tranquillement ses mille pages, les triple, voire les quadruple, puisqu’il doit s’arpenter en tous sens, au risque d’être parfois piétiné ou survolé. Puis vient l’acceptation des courants d’air que l’écrivain crée volontairement, des aberrations parfois fastidieuses qui trouent son récit pour lui donner plus d’oxygène.

Alors l’amusement gagne le lecteur à son tour. A la fois jeu de l’oie et jeu de piste, la lecture se transforme en échange de signes, d’indices, de clins d’œil. S’installe une complicité à la Perec, autour des duperies malicieuses d’Auster, de ses subterfuges multiformes pour brouiller les pistes, comme cette manie d’entourer son héros Archie de personnes dotées de prénoms aux mêmes sonorités : Andy, Anne-Marie, Artie, Audrey, Augie, Arnie, Amy… Cette dernière s’adresse à lui en l’appelant « mon drôle de petit grain de poussière ». Un surnom qui résume bien l’entreprise de Paul Auster, dans ce livre en forme de compte à rebours, de l’infini vers l’insignifiant, de l’immensité vers le microscopique, du rayonnement vers l’extinction. Dans un même souffle, le parcours individuel de Ferguson et les mouvements collectifs de l’histoire américaine fusionnent et disparaissent, jusqu’à ne devenir qu’un point à l’horizon. Si bien que lorsque Paul Auster donne la clé de son casse-tête littéraire, page 1012, il est presque trop tard. Ferguson lui a échappé, la créature a dépassé le créateur, phénomène propre aux grandes œuvres insondables.

Critique La cause littéraire:

Gros livre 4321 ? Assurément, avec ses 1016 pages. Mais long livre ? Nullement, tant l’écriture parfaite de Paul Auster sait nous emmener au cœur de ces vies restituées de personnages attachants, hauts en couleurs, inoubliables. Une lecture fleuve, qui emporte dans ses longues phrases fluides, un peu proustiennes, dans les méandres délicieux de la saga des Ferguson, dans les rues babéliennes de New-York, dans les folies familiales. Le grand, très grand Auster est de retour, et c’est une nouvelle formidable pour la littérature !

Ferguson est fils et petit-fils de Ferguson. Sauf que, le grand-père ne s’appelait pas Ferguson, en tout cas pas à l’origine. Il s’appelait Reznikoff. C’est toute une histoire bien sûr ! Suivons un instant grand-père « Reznikoff » :

« Pendant qu’il attendait d’être interrogé par un agent du service d’immigration à Ellis Island, il engagea la conversation avec un compatriote juif russe. L’homme lui dit : Oublie ton nom de Reznikoff. Il ne t’attirera que des ennuis dans ce pays. Il te faut un nom américain pour ta nouvelle vie en Amérique, quelque chose qui sonne vraiment américain. Comme l’anglais était encore une langue étrangère pour Reznikoff en 1900, il demanda à son compatriote plus âgé et plus expérimenté de lui faire une suggestion. Dis-leur que tu t’appelles Rockfeller, lui répondit l’homme. Tout ira bien avec un nom pareil. Une heure s’écoula, puis une autre et au moment où Reznikoff alors âgé de dix-neuf ans s’assit en face de l’agent de l’immigration pour être interrogé, il avait oublié le nom que l’homme lui avait dit de donner. Votre nom ? demanda l’agent. Se frappant le front de frustration l’immigrant épuisé laissa échapper en yiddish, Ikh hob fargessen ! (J’ai oublié !) Ainsi Isaac Reznikoff commença-t-il sa nouvelle vie en Amérique sous le nom d’Ichabod Ferguson ».

Auster nous livre dans ce volume la source et quelques clés essentielles de son œuvre entière. Avec la trilogie new-yorkaise on avait appris sa fascination pour la répétition des scènes – mais une répétition particulière, qui ne se répète pas du tout, parce que la narration déplace un détail, un personnage, un moment, un lieu et c’est tout le récit qui s’en trouve changé. Point de fascinum – le détail qui change – qu’on retrouve dans la science des systèmes avec la théorie des catastrophes de René Thom et qui structure la veine littéraire de Paul Auster. C’est aussi – toujours issu des sciences – la théorie du hasard. Le petit Archie découvre ainsi, dans ses pérégrinations intérieures, à la suite d’un accident où il est tombé d’un arbre du jardin où il s’est cassé une jambe, le cœur de ce que sera l’œuvre de l’écrivain.

« Si Chuckie n’avait pas sonné à sa porte ce matin-là pour lui demander de venir jouer dehors avec lui, il n’y aurait rien eu de stupide. Si ses parents s’étaient installés dans une autre ville à l’époque où ils cherchaient la maison de leurs rêves, il n’aurait même pas connu Chuckie Brower, il n’aurait même pas su que Chuckie Brower existait et il n’y aurait rien eu de stupide parce que l’arbre qu’il avait escaladé ne se serait pas trouvé dans son jardin. Quelle idée intéressante, se dit Ferguson, de penser que les choses auraient pu se dérouler autrement pour lui, tout en restant le même. Le même garçon dans une autre maison avec un autre arbre ».

Et le roman alors ? Ce roman est le sommet de la passion de Paul Auster pour les narrations qui prennent des pistes différentes selon le grain de sable qui dérange la machine. Au chapitre 1.3, le père de Ferguson meurt, brûlé dans l’incendie criminel de son entreprise, le 3 novembre 1954. Date funeste, horreur qui dynamite la vie de Ferguson et de sa mère. Au chapitre 1.4, le père de Ferguson, l’année suivante, se porte fort bien et envisage d’acheter une nouvelle demeure. Vous avez bien lu. Et quand vous lirez le livre vous reviendrez en arrière pour savoir si vous avez bien les yeux en face des trous, si vous n’avez pas sauté quelque chose. Mais non. On commence alors à percevoir le jeu de pistes que Paul Auster nous invite à déchiffrer. Impossible d’en dire plus sans spoiler. La construction du livre est un fascinant labyrinthe narratif que l’on découvre chapitre après chapitre, happés par l’incroyable talent de l’auteur.

Un événement, une vie, un événement différent, une autre vie. Le roman peut faire 1016 pages, il y a 4 romans en 1 dans le 4321.

Paul Auster, au-delà de la vie de Ferguson/Auster, nous fait traverser des pans entiers de l’histoire américaine de la seconde moitié du XXème siècle : La Chasse aux Sorcières, la Guerre Froide, l’assassinat de Kennedy, l’impeachment de Nixon, le Vietnam bien sûr, les émeutes raciales des années soixante, entre autres. Il nous fait surtout traverser New-York City, son New-York, sa passion de la Ville-Monstre, de la Ville-Montagne, de la Ville-Melting Pot étourdissant. Mais aussi de la plus grande ville juive du monde.

« Il la connaissait depuis à peu près dix minutes au moment où ils échangèrent ces propos et pendant que Ferguson écoutait Amy faire l’éloge de New York, déclarer son amour pour New York, il se mit à penser que d’une certaine façon elle était une incarnation de sa ville, non seulement dans sa confiance en elle et sa vivacité d’esprit mais aussi et surtout dans sa voix, la voix de ces jeunes Juives intelligentes de Brooklyn, du Queens et de l’Upper West Side, la troisième génération de voix juives new-yorkaises, celle de la deuxième génération de Juifs nés aux Etats-Unis, qui avait une musique légèrement différente de la voix irlandaise de New York, par exemple, ou de la voix italienne de New York, à la fois plus enracinée, sophistiquée et impertinente, avec la même aversion pour les r durs, mais plus précise et plus accentuée dans ses nuances […] ».

Roman fleuve, roman puzzle, roman fou, roman génial. On se passionne à reconstituer le puzzle, et, quand Auster nous livre ouvertement les clés du roman dans les dernières pages, on s’amuse à voir si on avait bien lu. On vous l’a dit, le grand, le plus grand Paul Auster est de retour, accompagné d’une traduction au cordeau de Gérard Meudal. La plongée dans cette aventure de lecture est ce qu’il y a de plus enthousiasmant depuis longtemps. Alors n’attendez pas !

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